L’apprentissage de l’écriture est un processus long et complexe, qui nécessite de nombreux prérequis. Ces derniers sont non seulement psychomoteurs, mais aussi affectifs et cognitifs.
Ainsi, les compétences graphiques de l’enfant vont beaucoup évoluer jusqu’à ses 10 ans. Comment soutenir leur apprentissage ? Quelles activités mettre en place pour bien apprendre à écrire ? Comment savoir s’il existe un retard ou des troubles graphomoteurs ? Dans cet article, décryptons les repères développementaux du graphisme et les prérequis à l’écriture.

Un premier prérequis : le prégraphisme
Définition
Qu’est-ce que le prégraphisme ? Étape essentielle dans le développement du geste graphique, elle peut parfois être négligée.
Pourtant, elle permet de soutenir la motricité fine, pour assurer un meilleur apprentissage de l’écriture, tout en développant les compétences perceptives.
Grâce aux activités du prégraphisme, l’enfant va ainsi apprendre à :
- intégrer le geste (développement moteur, contrôle gestuel fin) ;
- observer et reconnaître les formes (développement perceptif, coordination regard / geste) ;
- reproduire les formes et les organiser dans l’espace de la feuille (représentation spatiale).
Bien évidemment, tout ceci ne se fait pas du jour au lendemain : découvrir les formes et parvenir à les dessiner sur une feuille de papier sont des étapes longues. Pourtant, il est essentiel de les respecter pour parvenir à un geste codifié, volontaire et précis. Or, vous l’aurez compris : l’acquisition de ce geste favorise un meilleur apprentissage de l’écriture.
Ainsi, pour parvenir à ces objectifs, 3 phases se succèdent lors du développement de l’enfant.
De 12 mois à 2 ans : les premières traces
Les premières traces, aussi appelées traces mouvements, apparaissent avant 12 mois, en même temps que la diversification alimentaire.
À cet âge, les tout-petits ne dessinent pas encore sur des feuilles. Néanmoins, des premières empreintes sont réalisées : trace de purée sur la table ou sur le corps, trace dans le sable, etc.
On observe alors une véritable recherche du mouvement sensorimoteur, ainsi qu’une découverte sensorielle : le toucher et la vue se développent en même temps que le goût et l’odorat.
Néanmoins, les traces ne sont pas intentionnelles : elles sont réalisées spontanément par tous les bébés, et n’ont aucune signification.
Pour rencontrer les premiers tracés volontaires, il faudra encore attendre quelques mois. À ce moment-là, l’intégralité du corps est concernée par la réalisation du gribouillage, qui ne représente rien de particulier. On est encore loin de la motricité fine : le mouvement est ample et impulsif. De plus, l’enfant ne regarde pas la feuille lorsqu’il y appose ses traits.

De 2 à 3 ans : l’intention de dessiner
L’intention de réaliser un dessin n’arrive que vers 2 – 3 ans. L’évolution des capacités graphiques devient alors bien visible : il y a une coordination entre le regard et la main (aussi appelée coordination visuo-motrice). Les mouvements deviennent de plus en plus volontaires et intentionnels.
Les premières formes de symbolisation se démarquent (représentation d’objets tangibles et de personnes). Des mouvements circulaires commencent à apparaître.
De 3 à 4 ans : du prégraphisme vers la pseudo-écriture
Avec la maîtrise du langage, l’enfant commence à ressentir un désir d’écrire.
On observe alors l’apparition d’un simulacre d’écriture : aucune lettre n’est formée, mais il existe une véritable volonté de rattacher un son à une forme, et inversement. Bref, à faire une correspondance entre phonème et graphème.
C’est également à peu près à cette période qu’une latéralité manuelle commence à apparaître. L’enfant trace des lignes dans les deux sens et organise peu à peu son espace graphique. Il peut alors passer à la dernière étape d’apprentissage, qui est celle de l’écriture.
Second prérequis : la tenue de l’outil scripteur
Vous pensez que la tenue du stylo ou du crayon est un élément secondaire dans l’apprentissage de l’écriture ? Erreur ! Car il s’agit, au contraire, d’un prérequis fondamental pour acquérir une écriture cursive fluide, agréable et réalisée sans effort.
Mais, à partir de quel moment enseigner à l’enfant la tenue de l’outil scripteur ? Et comment ? Là encore, certaines étapes de développement de la motricité globale doivent être respectées.
- Lorsque le petit tient ses premiers couverts en main. Il va apprendre à stabiliser son épaule, à bien placer sa main par rapport à son bras et à contrôler sa force. Dans le cas où des difficultés motrices importantes seraient observées, une consultation chez un psychomotricien peut se révéler adaptée. De plus, le kinésithérapeute ou l’ostéopathe peuvent intervenir si l’origine des difficultés est posturale ou musculaire. Votre médecin traitant saura vous orienter.
- Lorsque l’enfant saisit ses premiers crayons et feutres. Rectifiez le placement de sa main sur la feuille, le cahier ou la table. À ce moment-là, la prise sera palmaire : la prise dite « mature » n’intervient qu’entre 4 et 6 ans. Aussi, n’imposez pas une prise à 3 doigts trop tôt : cela pourrait conduire à une maladresse dans l’écriture, difficile à corriger par la suite.
Enfin, utiliser un matériel adapté est tout aussi important. Ainsi, évitez les gros feutres qui ne favorisent pas le développement de la motricité fine. Au contraire, privilégiez les crayons fins et triangulaires (couleurs ou crayon à papier, mais pas de porte mine car ceux-ci se cassent trop facilement en début d’apprentissage).
Dernier prérequis pour acquérir le langage écrit : éviter un apprentissage précoce
Ce n’est que lorsque l’enfant a entre 5 et 6 ans que l’apprentissage de l’écriture peut réellement débuter. En effet, écrire fait appel à des mécanismes qui mettent du temps à se développer, jusqu’à la fin de la maternelle :
- des processus moteurs et perceptifs (pour parvenir à un geste graphomoteur précis) ;
- des processus émotionnels ;
- des processus représentatifs.
À ce moment-là, tout ce qui a été acquis durant les étapes de prégraphisme est consolidé pour passer du tracé-dessin au tracé-écrit.
- L’enfant parvient à apprendre la forme des lettres, en les copiant, vers 6 ans.
- Vers 7 / 8 ans, la taille de ses lettres diminue et le tracé devient plus net.
- Enfin, vers 9 / 10 ans, il y a une augmentation de la vitesse d’écriture, ainsi qu’une automatisation du geste.
Pour que l’enfant prenne plaisir à écrire, il faut que les prérequis psychomoteurs soient intégrés, cela nécessite un temps d’intégration, dont le rythme dépend du développement de chaque enfant.
Ceci est très important pour éviter tout désinvestissement de la part des petits. En effet, ces derniers ne voient souvent pas l’intérêt de l’écriture manuscrite dans un monde où l’on utilise principalement des outils numériques.
Aussi, apprendre l’écriture cursive de manière trop précoce (vers 4 ans) peut être source de difficultés de la part de l’enfant. À cet âge, il ne possède pas encore toutes les ressources nécessaires pour réaliser de belles lettres.
Nos conseils pour favoriser un bon apprentissage de l’écriture
Pour soutenir l’apprentissage de l’écriture, plusieurs activités et conseils peuvent être suivis tout au long des étapes de prégraphisme et de graphisme.
Verbaliser pour intégrer le geste
Ainsi, vous pouvez verbaliser ce que vous observez dans votre environnement ou ce que vous voyez sur la feuille de l’enfant.
Quel intérêt de décrire le motif graphique dessiné par l’enfant ? Si ce dernier constate un écart entre ce qu’il a souhaité représenter et la compréhension que vous en avez, il rectifiera son geste de lui-même. Cela permet aussi que la trace puisse advenir au statut de signifiant symbolique
C’est parce que le parent imagine que son enfant a dessiné une magnifique montagne que l’enfant commence à mettre du sens sur les lignes brisées qui, au départ, ne représentaient pas grand-chose.
N’oubliez pas non plus de commenter le positionnement des objets ou des personnages les uns par rapport aux autres ! Cela permettra à l’enfant d’intégrer des concepts de perspective, de dimensions et de volumes, pour une meilleure organisation de son espace graphique.
Fournir un cadre avec des encouragements et des limitations
Quelle que soit l’étape d’apprentissage, il est important d’accompagner et de soutenir l’enfant dans ses acquisitions. Les parents comme l’enseignant sont des personnes privilégiées pour l’encourager et le féliciter.
Votre enfant a gribouillé sur un mur blanc de la maison ?
Il a étalé de la peinture dans tout le salon ?
Rassurez-vous : vous n’aurez pas à le féliciter dans ces situations ! Au contraire, savoir le limiter dans ses découvertes sensorielles et motrices est parfois nécessaire pour lui permettre d’organiser ses tracés. C’est ainsi qu’il apprendra que le dessin se fait dans un espace bien défini, ainsi que dans un temps limité.

Organiser des activités de dessin
Pour développer les habiletés gestuelles comme les compétences perceptives, ainsi que l’imaginaire, organiser des activités de dessin est une excellente initiative.
Même les adultes aiment s’adonner à ce type de loisirs : le dessin offre en effet un moment de solitude, durant lequel on explore son monde intérieur. Chez l’enfant, cela va encore plus loin, car le dessin amorce son autonomie, ainsi que sa capacité à se différencier d’autrui.
Plutôt crayon ou pinceau ? Allez-vous dessiner un objet, un paysage ou un personnage ? Peu important, finalement : dans tous les cas, organiser des temps de dessin permet de soutenir l’apprentissage du graphisme.
Dysgraphie : quelques causes possibles des difficultés graphiques
Vous pensez que votre enfant a un retard parce que ses lettres ne sont pas très visibles ?
Avant de vous inquiéter, quelques questions s’imposent : quel âge a le petit en question ? Depuis combien de temps est-il en apprentissage ?
La dysgraphie ne peut être diagnostiquée qu’à partir de 7 ou 8 ans (soit 1 an après le début de l’apprentissage de l’écriture). En effet, c’est à partir de cet âge-là que le geste graphique est censé s’automatiser. Néanmoins, les troubles dans la graphomotricité sont un motif courant qui amènent les parents ou enseignants à consulter un psychomotricien.
En effet, les difficultés graphiques ont un retentissement important sur la vie scolaire et familiale : elles perturbent l’apprentissage, ainsi que les aspects relationnels. Le vécu est négatif pour l’enfant, ce qui génère une perte d’estime de soi ainsi qu’un désintérêt pour tout ce qui concerne le tracé et l’action d’écrire.
Quelles sont les causes possibles de ce trouble fonctionnel affectant le geste graphique ?
- Il peut s’agir de causes internes, comme :
- un déficit dans le contrôle moteur ;
- un déficit au niveau de l’intégration visuo-spatiale ;
- un déficit dans l’une des fonctions exécutives, comme la planification des mouvements ou l’attention soutenue ;
- un déficit au niveau des sens, comme la perception visuelle ou la proprioception.
- Il peut également s’agir de causes externes :
- l’utilisation d’un outil scripteur non adapté ;
- un mauvais environnement de travail ;
- des attentes trop élevées par rapport à l’âge de développement de l’enfant ;
- la surexposition aux écrans, qui apporte une vision disloquée.
Dans tous les cas, un bilan psychomoteur-graphomoteur permettra de trouver les causes potentielles des troubles de l’écriture observées. Le but sera alors d’identifier des solutions pour pallier ces problèmes. Comment se déroule cet examen graphomoteur ? Quels sont les aménagements à mettre en place ? Nous répondons à toutes vos questions dans notre formation dédiée aux les professionnels !