Voici, après réflexion, pourquoi je ne propose pas ce genre d’outils aux enfants (et aux parents) que je reçois au cabinet. Au vu du nombre de livres, sites internet… proposant d’utiliser cela pour gérer les émotions des enfants, c’est un peu aller à contre-courant…
Quelques rappels sur les émotions
Pour bien comprendre comment évaluer des outils de gestion émotionnelle, il faut d’abord savoir que les émotions sont involontaires et vitales. Elles peuvent survenir partout et à tout moment, même si on ne les exprime pas de la même manière. De plus, quand elles sont fortes, les émotions nous empêchent aussi de réfléchir.
Nous allons donc privilégier des outils :
- qui fonctionnent partout
- qui fonctionnement avec toutes les émotions.
- qui soit adaptés socialement
Une fois ces critères réunis, il sera facile pour l’enfant d’automatiser l’utilisation de l’outil et donc de gérer ses émotions !
Ces outils que l’on propose souvent (et à tort)
Souvent on propose à l’enfant des outils comme le coussin de la colère, la bouteille du calme, un ballon à gonfler, de dessiner sa colère, … et d’autres encore.
Tout d’abord, étant des objets, ces outils ne sont pas toujours accessibles. Nous savons que les émotions peuvent arriver à tout moment : au square, à l’école, à table, … Ces objets ne sont pas toujours disponibles pour l’enfant lorsqu’il va ressentir cette émotion, ce qui pose problème. Sans son outil, l’enfant n’est plus capable de gérer l’émotion qui survient. Nous verrons qu’il existe des outils de gestion émotionnelle qui s’emportent partout comme la respiration, l’expression, …
Ces outils m’embêtent aussi car ils sont toujours destinés contre la colère. Comme si l’urgence de la gestion des émotions étaient de faire taire cette colère alors qu’on sait qu’elle est aussi utile que les autres émotions. Toutes les émotions sont vitales, la colère nous indique qu’un de nos besoins n’est pas satisfait ou que quelqu’un ne respecte pas une de nos valeurs. C’est un signal pour faire changer ce qui nous agresse.
Je trouve que ces outils ne sont pas forcément adaptés socialement. A 15 ans, gonfler un ballon pour gérer son émotion n’est pas adapté, et il faut donc donner dès que possible des outils adaptés. Certains de ces outils peuvent encourager les enfants à taper (coussin de la colère), à détruire, ou à crier lorsque l’enfant ressent de la colère. Même si la règle est de taper sur un coussin, de déchirer une feuille ou d’aller crier dans sa chambre, l’association colère et violence physique ou colère et violence verbale est maintenue dans le cerveau de l’enfant. Et n’est-ce pas cela que les parents voudraient éviter ?
On comprend ainsi bien les limites de ces outils, mais alors que pouvons-nous proposer à l’enfant pour l’aider à gérer ses émotions ?
Que faire plutôt ?
Je vais vous présenter trois outils que l’on peut proposer aux enfants et qui répondent aux critères que nous avons vu plus haut : fonctionnant partout, adaptés socialement, fonctionnant sur toutes les émotions, et qui permettent d’automatiser la gestion émotionnelle.

La respiration
Tout d’abord, lorsque l’émotion n’est pas trop forte pour que l’enfant puisse réfléchir, un des outils que je propose aux enfants assez grands (et aux adultes) est l’utilisation de la respiration.
Je conseille ainsi aux enfants de respirer profondément à plusieurs reprises, en faisant entrer le plus d’air possible par leur nez avant de l’expirer par la bouche le plus longtemps possible. Parfois il faudra être discret car souffler n’est pas toujours accepté socialement (« Arrête de souffler quand je te dis quelque chose !»), mais même sans souffler bruyamment la respiration reste un excellent moyen de gérer son émotion.
Cette technique s’emporte donc partout et peut être très discrète.

L’écoute active
Si un adulte est disponible, il est intéressant d’utiliser l’écoute active qui est très efficace. Cette technique est souvent mal connue, peu considérée, ou mal réalisée mais peut faire des miracles ! En effet, l’adulte, en proposant une émotion, permet à l’enfant de savoir qu’on accueille son émotion. Quand une émotion est acceptée par l’entourage (et aussi par l’enfant) alors elle diminue fortement d’intensité. De plus l’écoute active lui permet d’apprendre à reconnaitre ses émotions, et de mieux comprendre quels besoins elles indiquent.
Pour utiliser l’écoute active, il faut essayer de comprendre l’enfant en faisant preuve d’empathie : « Tu es en colère parce que tu voulais un bonbon ? ». Attention, pour que la technique fonctionne, il faut s’interdire de donner des conseils et de juger l’émotion ressentie.
En aidant l’enfant à reconnaitre ses émotions, on l’aide à pouvoir ensuite les exprimer seul et en autonomie.

Apprendre à l’enfant à dire son émotion
Dire soi-même son émotion est aussi une technique très puissante qui permet de se libérer de ses émotions. De plus, quand l’enfant exprime son émotion, cela permet aux autres de la connaitre et de pouvoir adapter leurs comportements.
Je conseille ainsi aux enfants d’exprimer cette émotion en faisant des phrases en « Je ». Par exemple : « Je suis triste que tu t’en ailles », ou bien « J’ai peur de ne pas y arriver ».
Les adultes eux aussi ont du mal à exprimer de la sorte leurs émotions. Par exemple, on dit plus souvent à un enfant : « Descends de cet escabeau » plutôt que : « J’ai peur que tu tombes ». Si l’adulte montre à l’enfant l’exemple, c’est un excellent moyen pour que celui intègre et automatise cette technique de gestion des émotions.
Conclusion
Pour conclure, les outils que l’on propose dans les ouvrages pour les enfants ne sont pas toujours efficaces et peuvent continuer à maintenir l’enfant dans une réaction violente. Remplacer ces outils par la pratique de l’écoute active chez les parents, les phrases en « je » et la respiration me parait plus adapté et efficace.
Enfin, ces outils ont le mérite, malgré tout, de faire prendre conscience au parent que les émotions sont involontaires et que l’enfant peut-être en réelle difficulté pour les gérer, ce qui est déjà un pas très important pour aider l’enfant à gérer ses émotions.