
Reprenons les bases : la communication, le langage, la parole… ce n’est pas tout à fait la même chose ! Grâce à la communication, nous transmettons des informations via différents supports : on dit qu’elle est multimodale. Elle peut être non-verbale ou verbale. Dans ce cas, on transmet un message en utilisant un langage. Ce dernier peut être oral, écrit, signé ou sous forme de pictogrammes. Il permet de transmettre un message fiable et efficace, qui n’aura pas ou moins besoin d’être interprété.
Toutefois, les codes de communication les plus répandus chez l’être humain sont la parole, c’est-à-dire le langage oral, et le langage écrit. Pourtant, il ne faut pas oublier les deux autres formes de langage, que les personnes autistes ou présentant des troubles moteur vont pouvoir utiliser pour communiquer. Elles font partie de ce qu’on appelle la CAA, ou Communication Alternative et Augmentée.
Mais comment, alors, favoriser la communication avec un handicap moteur ? Avant de s’intéresser à quelques bonnes pratiques, passons d’abord par certaines définitions…
Troubles moteurs : de quoi parle-t-on exactement ?
Statistiques en France
On estime qu’environ 4,1 % de la population française présente un handicap moteur.
Bref : tout le monde a déjà été en contact avec une ou plusieurs personnes ayant une déficience motrice. Face à cette prévalence pour le moins importante, il s’agit alors pour tout le monde de mieux connaître les particularités des troubles moteurs. Le but ? Se diriger vers une société plus inclusive.
Pour ce faire, passons tout d’abord par un petit rappel.
Caractéristiques des déficiences motrices
Les handicaps moteurs sont très divers. Ils peuvent en effet toucher :
- les membres inférieurs (paraplégie, déambulation difficile, problèmes d’équilibre, nécessité d’utiliser un fauteuil roulant ou des béquilles, etc.) ;
- les membres supérieurs (difficultés de préhension, à l’écriture, etc.) ;
- les 4 membres (tétraplégie) ;
- ou d’autres organes encore (engendrant par exemple une difficulté à s’exprimer oralement, des troubles visuospatiaux ou des dyspraxies).
Le trouble moteur peut être :
- visible ou invisible ;
- temporaire ou durable ;
- partiel (par exemple, affaiblissement des membres) ou total (tel qu’une paralysie) ;
- inné ou acquis.
Les 4 types de handicap moteur
Quelles sont les causes du handicap moteur ? Il en existe, là aussi, de nombreux cas :
- origine cérébrale. Certaines structures du cerveau présentent alors des lésions, à la suite d’un traumatisme crânien, d’un accident vasculaire cérébral ou d’une tumeur notamment.
- origine médullaire. Ces lésions sont généralement dues à une maladie de la moelle épinière, ce qui engendre des troubles de la conduction nerveuse.
- origine neuromusculaire. Cela peut être lié à une maladie d’origine génétique (myopathies par exemple) ou à d’autres types de maladies encore. Les troubles engendrés sont très divers et peuvent toucher plusieurs organes, avec, par exemple, des déformations orthopédiques ou une insuffisance cardiaque.
- origine ostéo-articulaire, liée à une malformation, à un rhumatisme, à une scoliose ou à une ostéogenèse imparfaite (ou maladie des os de verre).
Bref : le terme « handicap moteur » englobe une pluralité de cas et de situations, aussi variées les unes que les autres. S’il n’y a pas de troubles de communication de manière systématique, ces derniers peuvent néanmoins être observés dans certains cas.
Conséquences des troubles moteurs
Au-delà des difficultés importantes perçues au niveau de la motricité, ces troubles amènent à d’autres problématiques dans la vie quotidienne :
- perte d’autonomie ;
- perte de confiance ou d’estime de soi (qui impacte négativement la participation sociale) ;
- une fatigabilité qui peut être importante ;
- difficultés d’apprentissage.
Au niveau de la communication, nous pouvons citer :
- des difficultés à communiquer efficacement, à transmettre un message fiable de façon rapide ;
- moins d’occasions de communiquer à cause, notamment, de la lenteur ;
- des interactions biaisées, des schémas d’échange restreints.
Heureusement, il existe des solutions pour pallier ces problèmes : les outils de communication alternative et augmentée (CAA) en font partie.
Ces derniers, à condition qu’ils soient essayés, testés puis acceptés par la personne et son entourage, vont en effet luipermettre de :
- mieux comprendre les situations ;
- s’exprimer pleinement et précisément ;
- avoir des échanges de meilleure qualité, authentiques et nombreux.
La communication est un socle indispensable pour favoriser les apprentissages et gagner en autonomie comme en estime de soi.
Malheureusement, en ce qui concerne le handicap moteur et la communication, il existe encore des idées reçues qui persistent. Or, ces dernières peuvent nous limiter dans l’atteinte de nos objectifs.
C’est donc en vue de lutter contre elles, et pour mieux accompagner les personnes présentant des déficits moteurs, que nous vous présentons ici quelques bonnes pratiques à mettre en œuvre.
Conseil n°1 : Ne présupposez pas que la personne ne vous comprend pas
Lorsque vous échangez avec quelqu’un, appréciez-vous devoir faire face à un monologue ?
Non, nous sommes même certaines que cela a tendance à vous ennuyer… Et c’est tout à fait normal : nous sommes des êtres sociaux, nous avons donc besoin que nos échanges se fassent de manière bilatérale.
Pour ce faire, pas d’autre choix ! Chaque interlocuteur ou interlocutrice doit tour à tour émettre ou réceptionner un message. Pour y parvenir, deux capacités distinctes sont utilisées :
- la compréhension ;
- l’expression.
Toutefois, peut-être avez-vous tendance à ne pas bien distinguer ces 2 compétences ?
Mais si, rappelez-vous ce jour où vous avez évoqué un sujet confidentiel auprès d’un enfant, persuadé·e que ce dernier ne pouvait vous comprendre !
Pourtant, plus tard, le petit répétait ce même secret à qui voulait bien l’entendre…
À ce moment, peut-être êtes-vous devenu·e rouge pivoine, vous rendant soudain compte de l’impair que vous veniez de commettre.
Comment le savons-nous ? Tout simplement parce que cela arrive à beaucoup de personnes… qui font une erreur courante : croire qu’une personne qui n’a pas les mêmes capacités langagières que nous ne peut pas nous comprendre.
Toutefois, bien différencier l’expression et la compréhension est d’importance pour nous permettre d’aller vers un meilleur accompagnement des personnes avec des troubles moteurs.
Bref : ce n’est pas parce qu’une personne ne peut utiliser la parole pour s’exprimer, qu’elle ne peut pas comprendre ce que vous dites.
En différenciant ces 2 compétences, nous sommes alors en mesure de comprendre 3 situations pouvant se présenter à nous :
- une bonne compréhension mais des difficultés d’expression orale (dans ce cas, il existe d’autres outils que le langage oral pour s’exprimer :langage signé, pictogrammes, etc.) ;
- l’expression non fonctionnelle (c’est lorsque la personne s’exprime oralement, mais ce qu’elle dit n’est pas forcément adapté. Ceci révèle une compréhension pouvant être défaillante) ;
- la situation dite optimale, où les versants compréhensif comme expressif fonctionnent bien (nous pouvons atteindre cette situation optimale à l’aide de la CAA).
Conseil n°2 : Croyez aux capacités de la personne à employer un outil de communication
Ne doutez pas du potentiel d’apprentissage
Sans possibilité d’échanger, difficile d’évaluer les capacités cognitives et les capacités d’apprentissage d’une personne.
Mais il existe un piège dans lequel il ne faut pas tomber : celui d’attendre que la personne démontre des capacités à utiliser un outil. Et ce, avant même de lui avoir permis de l’essayer.
Cela paraît évident, mais ce conseil n’est pas toujours appliqué sur le terrain.
Vous pensez que les pictogrammes sont trop complexes pour la personne handicapée ? Et si vous tentiez le coup avant d’abandonner l’idée ?
Il lui faudra peut-être plusieurs semaines, voire plusieurs mois, pour comprendre le fonctionnement de l’outil et commencer à l’utiliser.
Soyez patient·e et laissez la personne vous montrer ce qu’elle sait faire et ce qu’elle est capable d’apprendre !
En lui montrant que vous croyez en elle, sa confiance en elle augmentera. De plus, vous pourriez être étonné·e de voir des progrès fulgurants au niveau de sa communication !
Il existe différents modes d’accès à la communications
Lorsque vous proposerez ces outils à la personne, n’oubliez pas que différents modes d’accès sont possibles.
La personne ne peut pas pointer à cause d’une difficulté motrice au niveau de ses membres supérieurs ? Il existe plusieurs méthodes d’accès autres que le pointage avec le doigt !
Aussi, n’hésitez pas à essayer :
- des outils à accès direct (pointeur lumineux, licorne, pied, coude, etc.) ;
- des outils à accès indirect (par exemple, contacteur avec balayage à activer avec le menton, le pied ou autre).

Valorisez les tentatives de communication
Une personne signe, mais de manière maladroite et déformée ? De la même manière que vous ne couperiez pas la parole à un petit enfant, ne l’empêchez pas de signer. Au contraire, si la personne se sent à l’aise avec ce moyen de communication, acceptez-le, et ce, malgré les erreurs.
En effet, il est nécessaire de valoriser toutes les tentatives de communication et de respecter le mode de communication choisi par la personne.
Les bénéfices ? Toujours les mêmes, mais ils sont importants : gain d’estime de soi, gain d’autonomie, réduction de la frustration, etc.
Conseil n°3 en lien avec le handicap moteur et la communication : faites preuve de patience
Apprendre à utiliser un outil de CAA peut être long et fastidieux.
Et ce, pour n’importe qui.
Rappelez-vous vos cours d’anglais au collège et lycée : saviez-vous parler anglais au bout de quelques semaines de cours seulement ? Non, il vous a, au contraire, fallu des années ! Et encore, ce n’était sûrement pas parfait.
De la même manière, apprendre à utiliser un nouvel outil de communication peut prendre du temps. Cette durée sera variable selon l’outil choisi, les objectifs, l’environnement et bien d’autres paramètres encore.
Ainsi, pour certaines personnes, quelques jours ou semaines seulement pourraient suffire. Pour d’autres, il faudra plusieurs mois, voire plusieurs années.
C’est pourquoi nous conseillons de faire preuve de patience et de persévérance. Mais ne vous en faites pas : vos efforts, ainsi que ceux de la personne handicapée, ont de fortes chances d’être récompensés !
D’ailleurs, pour optimiser au maximum cet apprentissage, il existe une approche indispensable : instaurer un « bain de langage » qui soit adapté.
Qu’est-ce que c’est ?
Cela désigne la situation dans laquelle nous évoluons depuis notre naissance : nous sommes entouré.e.s de personnes qui parlent, qui oralisent, et cela nous permet d’apprendre relativement rapidement à parler.
De la même manière, instaurez un contexte où le langage signé, les pictogrammes ou d’autres outils de CAA sont régulièrement employés par l’entourage. On appelle cela « modéliser ».
Ceci permettra une imprégnation et une acquisition de ces outils bien plus aisées et rapides.
Comment cela se concrétise-t-il ? Voici quelques conseils :
- utilisez vous-même l’outil de CAA et faites en sorte que l’ensemble de l’entourage de la personne handicapée fasse de même ;
- montrez à cette dernière comment fonctionne l’outil ;
- montrez-lui que vous acceptez ce dernier ;
- enfin, faites preuve de patience. Ce n’est pas parce que la personne ne comprend pas tous les pictogrammes dès le départ qu’elle ne pourra jamais apprendre à les utiliser. Au contraire, croyez en ses capacités d’apprentissage !
Conseil n°4 : Ne vous limitez pas à un seul outil de CAA
L’un des gros avantages de la CAA, c’est son aspect multimodal.
Eh oui ! Vous avez la possibilité d’utiliser plusieurs outils en même temps.
Un peu de la même manière que nous utilisons la parole en même temps que la communication non verbale (gestes, expressions faciales, etc.), vous pouvez mettre en œuvre :
- une tablette numérique ET le langage signé ;
- un t-shirt de communication ET une tablette numérique ET le langage signé ;
- des boutons enregistreurs ET un t-shirt de communication ET une tablette numérique ET le langage signé ;etc.
Bref : ne vous reposez pas sur un unique outil.
Pourquoi ? Tout simplement parce que, en fonction des situations, des personnes et des moments, chaque outil pourra présenter des limites. De plus, la personne, selon le contexte, peut se sentir plus ou moins à l’aise.
Ceci est valable même dans le cas de la commande oculaire. Si cette solution est très plébiscitée pour favoriser la communication chez les personnes avec troubles moteurs, elle peut néanmoins présenter certaines limites, notamment dans les cas suivants :
- fatigue posturale ;
- fatigue oculaire ;
- dans le cas d’un environnement très ensoleillé ;
- etc.

Néanmoins, n’abandonnez pas l’idée d’utiliser le suivi oculaire ! Ce dernier présente de nombreux avantages :
- accès autonome à l’ordinateur ;
- accès autonome à l’expression (en association avec une synthèse vocale) ;
- efforts musculaires moins élevés (par rapport à un langage signé, par exemple) ;
- expression plus rapide qu’avec un système en défilement ;
- etc.
Vous souhaitez bénéficier de ces avantages sans subir ses inconvénients ? Associez le suivi oculaire à d’autres outils !
Bref : ces dernières années, la CAA a gagné en popularité, notamment (auprès des personnes neuroatypiques) grâce à des avancées technologiques importantes.
Néanmoins, un autre public est paradoxalement moins mis en valeur. Eh oui ! Il s’agit des personnes présentant unhandicaps moteurs. Pourtant, ces personnes pourraient largement bénéficier des avantages de la CAA, à l’école comme à la maison : gain d’autonomie, certes, mais aussi amélioration des possibilités d’apprentissage, de participation sociale, d’inclusion, d’autodétermination (faire ses propres choix), etc.
Toutefois, pour une communication optimale, chaque personne nécessite des outils adaptés à ses besoins et capacités. Comment les définir ? Comment les rendre accessibles face aux particularités de chaque personne ? Comment individualiser la prise en charge ?
Comment à la fois :
- connaître les multiples possibilités/ l’étendue des outils de la CAA ;
- et savoir choisir spécifiquement les outils nécessaires lorsque l’on présente des troubles moteurs ?
Malheureusement, il n’est pas facile de répondre rapidement à ces questions.
C’est pourquoi, en collaboration avec 2 orthophonistes, nous avons créé une formation complète, d’une durée de 8 semaines. Que vous soyez parents, enseignants ou professionnel·le·s, vous y découvrirez l’ensemble des bonnes pratiques recommandées dans le cas des troubles moteurs.
Et si vous contribuiez, avec nous, à une société plus inclusive ? Contactez-nous pour plus d’informations !