Les bébés neurotypiques, très tôt, savent parfaitement nous faire comprendre ce dont ils ont besoin : corps qui se tend désespérément vers l’objet convoité, bruits de bouche, sourcils qui se froncent et regard qui suit nos moindres mouvements… Impossible de se tromper. Chez l’enfant autiste, néanmoins, cela est plus compliqué : rien dans son attitude ne laisse présager qu’il désire tel ou tel objet et, plutôt que de vous demander votre aide, il préfère tout faire tout seul – quitte à empiler des chaises les unes sur les autres pour attraper des objets en hauteur. Aussi, vous vous demandez certainement : comment rendre sa communication plus fonctionnelle ? Apprendre à un enfant autiste à demander est-il possible ? Oui, et heureusement ! Pour savoir comment, en tant que professionnel·le de santé, vous pouvez l’accompagner dans cet apprentissage, découvrez nos 7 étapes !

Étape 1 : Définir les centres d’intérêt de l’enfant TSA
Avant même d’enseigner la demande à l’enfant, identifiez ses centres d’intérêt :
- aime-t-il jouer ? Si oui, avec quels types de jeux ?
- y a-t-il un aliment qu’il affectionne tout particulièrement ?
- préfère-t-il la science ou les objets littéraires ?
En fonction de ses intérêts particuliers, vous pourrez alors identifier un objet qui suscitera son désir au moment où vous le lui montrerez. Qu’il s’agisse d’un avion, d’un train, d’un cheval, d’une poupée ou d’un yaourt, la procédure restera ensuite la même : peu importe, donc, l’objet en question.
En réalité, ce qui importe vraiment, c’est de parvenir à éveiller l’attention de l’enfant TSA (ou spectre du trouble autistique).
Plus ce dernier se montrera motivé par l’activité, plus vous vous rapprocherez de votre objectif.
En effet, il présentera moins de difficultés à sélectionner et utiliser le système de communication adapté pour obtenir ce qu’il désire.
De plus, cette motivation provoquera des sentiments positifs, qui sont renforçants pour l’enfant : réussir dans une entreprise entraîne en effet joie, fierté et confiance en soi.
Vous avez sélectionné un objet qui suscite un intérêt tout particulier auprès de l’enfant ? Ce dernier ne cesse de sauter tout autour de vous, apparemment surexcité par la présence du jouet, livre, autre ?
STOP ! Il est possible que vous ayez choisi un objet très envahissant pour le petit, qui risque de dévoiler certains troubles du comportement.
Notre conseil : sélectionner une chose qui est motivante pour l’enfant, mais pas trop.
Cela vous semble difficile ? N’hésitez pas à vous tourner vers les parents et les proches de votre patient·e : sa famille se montrera d’une grande aide lors de cette étape.
Un deuxième conseil serait de sélectionner, dans un premier temps, un renforçateur dont le nom soit facile à prononcer (dans le cas d’un·e autiste verbal·e). Ceci facilitera l’apprentissage lors des premières séances.
Enfin, cet objet doit être facile à donner et à récupérer au cours de la séance en cabinet.
Vous souhaitez apprendre à demander de l’attention, de l’aide ou une information plutôt qu’un objet ? Pas d’inquiétude ! La démarche reste la même : vous n’avez plus qu’à suivre les étapes suivantes, en adaptant les situations présentées à la vôtre.
Étape 2 : Adopter une position qui favorise l’échange bidirectionnel
Bien sûr, montrer à l’enfant un objet qu’il convoite ne suffit pas !
Peut-être avez-vous déjà lu nos conseils sur la mise en place des compétences socles en communication ?
Eh bien, ici, les mêmes bonnes pratiques s’appliquent : pour favoriser l’échange, placez-vous à distance respectable de l’enfant, tout en restant visible, et positionnez-vous à sa hauteur.
Montrez-lui alors l’objet qu’il aime bien et faites mine de vous amuser avec. Affichez votre enthousiasme non seulement en le manipulant, mais aussi en parlant à voix haute.
Chez un enfant neurotypique, les signes de sa convoitise seront visibles très tôt :
- il y aura tout d’abord la posture (regard, position du corps et du visage) ;
- puis le pointage avec l’index ;
- enfin, la demande : « je veux la poupée ».
Chez la personne autiste, ce processus ne sera pas aussi naturel et les signes de son intérêt pourraient bien être moins visibles.
Aussi, observez sa réaction avec attention. S’approche-t-elle ? Regarde-t-elle en direction de l’objet ?
Tous ces signes vous indiqueront si l’objet choisi est le bon.

Étape 3 : Laisser l’enfant autiste prendre l’initiative de la demande
Bien sûr, dès que vous observez des signes d’intérêt, ne lui donnez pas l’objet tout de suite !
N’oublions pas le but de la séance : que l’enfant autiste apprenne la demande.
Aussi, laissez-lui le temps de prendre l’initiative et n’anticipez pas ses besoins (au risque de lui enlever la possibilité d’apprendre à demander).
Cela peut être difficile dans un premier temps. Néanmoins, soyez indulgent·e envers vous-même : l’enfant n’est pas seul·e à apprendre !
Par ailleurs, il n’existe pas qu’une seule façon de réclamer un objet. Que l’enfant que vous accompagnez soit verbal ou non, il a à sa disposition différents outils pour transmettre son message :
- dans le cas d’une communication verbale, il pourrait utiliser un mot ou une ébauche de mots, voire une phrase construite ou un pictogramme ;
- dans le cas d’une communication non verbale, il pourrait employer le pointage, le regard et les gestes de manière plus générale.
Étape 4 : Prononcer le nom de l’objet pour faire émerger la demande
Dès l’émergence des premiers signes de la demande, vous pouvez guider l’enfant en prononçant le nom de l’objet et/ou en le pointant du doigt.
Toutefois, n’utilisez pas de phrase interrogative du type « tu veux le ballon ? ».
En effet, le choix de réponse, dans ce cas de figure, est très limité : « oui » ou « non ». Ceci ne favorise pas l’émergence du langage et, plus globalement, de la communication.
Au contraire, l’enfant doit pouvoir imiter le mot que vous venez de dire. Néanmoins, si les efforts requis sont trop importants dans un premier temps, donnez-lui l’objet immédiatement.
L’important est d’y aller étape par étape, sans générer de frustration ou de sentiment négatif.
Pour vous aider à comprendre la mise en place de cette étape, nous vous proposons un exemple :
- vous montrez l’objet à l’enfant (poupée, ballon, puzzle, livre, etc.) et jouez avec ;
- ce dernier se rapproche de vous ;
- comme vous venez d’identifier sa motivation à participer à l’activité, dites le mot qui désigne l’objet, par exemple « ballon », et pointez-le du doigt ;
- attendez une ou deux secondes pour voir si l’enfant va répéter ;
- si non, dites encore « ballon » et montrez-le du doigt ;
- attendez une ou deux secondes ;
- si l’enfant ne dit toujours rien, vous pouvez malgré tout lui donner l’objet.
Peu à peu, la personne autiste va se mettre à répéter le nom de l’objet après vous. Dès lors, il s’agira de passer à l’étape suivant pour supprimer cette guidance orale dans l’apprentissage de la demande.
Étape 5 : Poser une question pour initier la demande
Rappelez-vous nos conseils de l’étape 4 : la question doit rester ouverte et non fermée.
En effet, le but est de pousser l’enfant à manifester son désir.
Aussi, reprenez l’exemple ci-dessus et, plutôt que de dire « ballon », demandez « que veux-tu ? »
Cela donnera alors la situation suivante :
- vous montrez l’objet à l’enfant et jouez avec ;
- ce dernier se rapproche de vous ;
- posez la question « que veux-tu ? » ;
- attendez une ou deux secondes pour voir si l’enfant va vous répondre ;
- si non, posez à nouveau votre question ;
- attendez une ou deux secondes ;
- si l’enfant ne dit toujours rien, vous pouvez malgré tout lui donner l’objet, en disant « ballon », ou « je veux ballon » en fonction du niveau de l’enfant.
Le but ici est de passer d’une simple imitation vocale du mot à une demande volontaire.
Mais peut-être vous demandez-vous que faire une fois que l’objet a été donné à l’enfant ?
Pas de panique ! Cela ne signe pas l’arrêt de la séance. Vous pouvez répéter l’activité plusieurs fois : avec un objet que vous pouvez facilement récupérer (par exemple, un flacon à bulles) ou des jeux qui sont en plusieurs parties (jeux de briques, puzzles, etc.) ou des petits morceaux de gâteau, par exemple, si la demande était sur de l’alimentaire.
Étape 6 : Savoir quand s’arrêter dans l’apprentissage
Tous les enfants, au cours d’une activité, peuvent perdre leur motivation à la poursuivre.
Bien sûr, la durée au cours de laquelle cette perte de motivation survient peut être très variable : de 5 minutes à plusieurs heures, en fonction de la personnalité de l’enfant en question.
Néanmoins, dans tous les cas, mieux vaut cesser l’apprentissage.
Les signes d’une démotivation sont assez facilement identifiables : demandes de plus en plus lentes, voire absentes, enfant qui se détourne n’en sont que quelques-uns.

Étape 7 : Changer de contexte et d’environnement pour mieux enseigner la demande
Dans le cas d’une séance en cabinet, il peut être relativement simple de reproduire les gestes et paroles de la demande.
Néanmoins, en dehors de ce contexte « idéal » (pas de bruits perturbateurs, lieu de confiance), l’enfant TSA est-il capable de formuler une requête ?
Pour s’assurer que cela soit bien le cas, il n’existe pas mille solutions : il faut réaliser la même activité en dehors du cabinet.
Pour y parvenir, faites intervenir les parents et enseignants. Apprenez-leur à enseigner la demande à l’enfant et proposez-leur de mettre en place différents environnements et scénarios.
Vous n’avez pas d’exemples d’incitations à communiquer en tête ?
Ne vous en faites pas : nous en avons prévu quelques-uns.
- À table, donnez le yaourt mais non la cuiller.
- Serrez le bouchon très fort avant de donner une bouteille d’eau.
- Mettez les objets souhaités à une hauteur trop élevée pour que, même avec une chaise, il ou elle ne puisse les attraper.
- Mangez quelque chose qu’il ou elle apprécie tout particulièrement, tout en restant dans son champ de vision.
Bref : faites appel à votre imagination !

Résumé des étapes pour apprendre à un enfant autiste à demander
Finalement, pour apprendre à un enfant autiste à demander, nul besoin de stratégies pédagogiques complexes : les 7 étapes que nous venons de voir suffisent.
Il s’agit de :
- déterminer les centres d’intérêts de l’enfant et sélectionner un objet le motivant ;
- se mettre à sa hauteur et dans son champ de vision ;
- initier la dynamique en jouant avec l’objet et laisser l’enfant prendre l’initiative ;
- prononcer le mot désignant l’objet, attendre quelques secondes avant de le lui donner ;
- poser la question « que veux-tu ? », attendre un peu et lui donner l’objet ;
- s’arrêter en cas de démotivation ;
- changer d’environnement.
Ces différentes étapes sont adaptées non seulement aux personnes autistes verbales, mais aussi aux non verbales. Vous pouvez donc adapter votre accompagnement en fonction des besoins et capacités de la personne en face de vous.
Bref : vous venez d’apprendre comment mettre en place l’un des précurseurs de la communication chez l’enfant TSA.
Néanmoins, il en existe bien d’autres pour favoriser l’échange et l’interaction sociale.
Lesquels ? Comment les mettre en place et s’adapter aux spécificités des enfants autistes ? Si vous vous sentez perdu·e dans tout ce jargon technique, pas de panique ! Cela est tout à fait compréhensible : l’autisme est un monde vaste et plein de surprises. Vous souhaitez ne plus restez sur vos acquis et développez vos compétences en même temps que vos connaissances ? Formez-vous pour évaluer et développer la communication chez l’enfant avec TSA !